• L'épisode du procès du "Oui et du Non" entre Wronski et Arson, qui est évoqué ici :

    http://canonphilosophique.multiply.com/journal/item/1

    a sans aucun doute inspiré d'intenses réflexions à Balzac, comme en témoigne la fin de la "Recherche de l'Absolu" :

    http://artfl.uchicago.edu/cgi-bin/philologic31/balzac_navigate.pl?balzac.72

    «Vers la fin de l'année 1832 , Balthazar passa une nuit extrêmement critique pendant laquelle monsieur Pierquin le médecin fut appelé par la garde, effrayée d'un changement subit qui se fit chez le malade ; en effet, le médecin voulut le veiller en craignant à chaque instant qu'il n'expirât sous les efforts d'une crise intérieure dont les effets eurent le caractère d'une agonie.

    Le vieillard se livrait à des mouvements d'une force incroyable pour secouer les liens de la paralysie, il désirait parler et remuait la langue sans pouvoir former de sons ; ses yeux flamboyants projetaient des pensées ; ses traits contractés exprimaient des douleurs inouïes ; ses doigts s'agitaient désespérément, il suait à grosses gouttes. Le matin, les enfants vinrent embrasser leur père avec cette affection que la crainte de sa mort prochaine leur faisait épancher tous les jours plus ardente et plus vive ; mais il ne leur témoigna point la satisfaction que lui causaient habituellement ces témoignages de tendresse. Emmanuel, averti par Pierquin, s'empressa de décacheter le journal pour voir si cette lecture ferait diversion aux crises intérieures qui travaillaient Balthazar. En dépliant la feuille, il vit ces mots, découverte de l'absolu, qui le frappèrent vivement, et il lut à Marguerite un article où il était parlé d'un procès relatif à la vente qu'un célèbre mathématicien polonais avait faite de l'Absolu. Quoique Emmanuel lût tout bas l'annonce du fait à Marguerite qui le pria de passer l'article, Balthazar avait entendu.

    Tout à coup le moribond se dressa sur ses deux poings, jeta sur ses enfants effrayés un regard qui les atteignit tous comme un éclair, les cheveux qui lui garnissaient la nuque remuèrent, ses rides tressaillirent, son visage s'anima d'un esprit de feu, un souffle passa sur cette face et la rendit sublime, il leva une main crispée par la rage, et cria d'une voix éclatante le fameux mot d'Archimède : EUREKA ! (j'ai trouvé). Il retomba sur son lit en rendant le son lourd d'un corps inerte, il mourut en poussant un gémissement affreux, et ses yeux convulsés exprimèrent jusqu'au moment où le médecin les ferma le regret de n'avoir pu léguer à la Science le mot d'une énigme dont le voile s'était tardivement déchiré sous les doigts décharnés de la Mort. »

       le "procès" auquel il est fait allusion est évidemment celui intenté par Arson à Wronski; or, il semble bien que Balzac nous suggère ici (et fait d'ailleurs bien plus que suggérer) que Balthazar   trouve le "secret" qu'il avait cherché toute sa vie (l'Absolu, analogue de la pierre philosophale des alchimistes) rien qu'en prenant connaissance de cet épisode relatif à Wronski..

    chez un autre, cela pourrait être gratuit et sans signification supérieure...mais pas chez ce grand initié qu'est Balzac !          

    De par les termes même employés par Balzac, on comprend (tout au moins c'est la proposition d'explication que je tente ici de donner) que c'est le fait que l'absolu soit "vendu" par un "mathématicien" qui met Balthasar sur la voie de l'illumination instantanée.

    Une illumination qui coïncide avec sa mort !

    trois éléments donc : mathématiques (mathesis universalis), "vente" (argent, circulation, flux, par opposition à substance fixe) et mort...

    Balzac voudrait il ici faire "signe" vers ceci ?

    que l'Absolu  ne peut être "trouvé" que par l'approfondissement de l'activité intellectuelle des mathématiciens ; qu'il n'est pas de l'ordre d'une substance exérieure fixée, de l'Etre substantiel, mais de la relation (la "vente" ); et enfin qu'il ne peut être "trouvé"  que dans la "mort" complète à soi même....

     ce qui peut être rapproché de cette formule de Brunschvicg dans "Raison et religion", quand il décrit la philosophie comme accomplissement parfait et purement spirituel de l'Evangile  :

     «Les théologiens se sont attachés à distinguer entre la voie étroite : Qui n'est pas avec moi est contre moi, et la voie large : Qui n'est pas contre moi est avec moi. Mais pour accomplir l'Évangile, il faut aller jusqu'à la parole de charité, non plus qui pardonne, mais qui n'a rien à pardonner, rien même à oublier : Qui est contre moi est encore avec moi.

    Et celui-là seul est digne de la prononcer, qui aura su apercevoir, dans l'expansion infinie de l'intelligence et l'absolu désintéressement de l'amour, l'unique vérité dont Dieu ait à nous instruire»

    l'expansion infinie de l'intelligence est la mathesis universalis comme recherche des principes de la Science (des "vérités éternelles" de Descartes); l'absolu désintéressement de l'amour est atteint dans la mort complète à l'égoïsme vital de la personne individuée.


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  • Wronski est à la fois un mathématicien et un philosophe.

    Mais, et c'est ce qui l'oppose aux autres mathématiciens qui s'intéressent à la philosophie, il ne fait des mathématiques que sous condition et en vue de la philosophie, philosophie qui devient ainsi "absolue".

    Je fais ici une liste des liens Internet portant sur les travaux mathématiques de Wronski, et les expliquant et les rendant plus clairs, car on doit avouer que l'accès de cette oeuvre (aussi bien mathématique que philosophique) est très ardu.

    Solution du problème universel de Wronski (par Charles Lagrange)

    http://adsabs.harvard.edu/abs/1896AnOBN...7a...1L

    Trois articles d'Emile West :

    Exposé des méthodes générales en Mathématiques; résolution et intégration des équations, applications diverses, d'après Hoené Wronski

    http://portail.mathdoc.fr/JMPA/PDF/JMPA_1881_3_7_A1_0.pdf

    Digression sur les séries

    http://www-mathdoc.ujf-grenoble.fr/JMPA/PDF/JMPA_1881_3_7_A6_0.pdf

    Exposé des méthodes en Mathématiques, d'après Wronski (suite)

    http://www-mathdoc.ujf-grenoble.fr/JMPA/PDF/JMPA_1882_3_8_A2_0.pdf

    Liens généraux vers le Journal de mathématiques pures et appliquées:

    http://www-mathdoc.ujf-grenoble.fr/JMPA/feuilleter.php?id=JMPA_1882_3_8

    http://www-mathdoc.ujf-grenoble.fr/JMPA/feuilleter.php?id=JMPA_1881_3_7

    Vient ensuite la grande encyclopédie mathématique en 4 volumes de Sarrazin de Montferrier, accessible intégralement sur Gallica; les liens sont donnés ici :

    http://mathdoc.emath.fr/cgi-bin/linum?aun=001541

    A signaler aussi l'excellente revue de l'époque "Annales de Gergonne", on trouve sur le volume 3 de 1812-1813 deux articles de Gergonne lui même :

    http://www.numdam.org/numdam-bin/feuilleter?id=AMPA_1812-1813__3_

    http://archive.numdam.org/ARCHIVE/AMPA/AMPA_1812-1813__3_/AMPA_1812-1813__3__51_1/AMPA_1812-1813__3__51_1.pdf

    http://archive.numdam.org/ARCHIVE/AMPA/AMPA_1812-1813__3_/AMPA_1812-1813__3__137_1/AMPA_1812-1813__3__137_1.pdf

    on peut d'ailleurs lire tous les articles de Gergonne et de Kramp, dont les préoccupations et notations sont, au strict point de vue mathématique, fort proches de celles de Wronski :

    http://www.numdam.org/numdam-bin/recherche?h=aur&aur=Gergonne&format=short

    http://www.numdam.org/numdam-bin/recherche?h=aur&aur=Kramp&format=short

    Article d'Abel Transon dans les "Nouvelles annales de mathématiques" portant sur la loi des séries de Wronski (démontrée par Cayley en 1875) :

    http://www.archive.org/stream/nouvellesannale10terqgoog#page/n179/mode/2up (page 161 sq n181 et un second article page n333)

    articles de E Marchand sur "le changement de variables", portant aussi sur la loi de Wronski (et citant Transon dans le premier)

    http://www.numdam.org/numdam-bin/recherche?h=aur&aur=Marchand,+E.&format=short

    Toujours sur la loi de Wronski :

    On wronski's expansion (par Echols ) :

    http://projecteuclid.org/DPubS/Repository/1.0/Disseminate?handle=euclid.bams/1183407595&view=body&content-type=pdf_1

    pour la démonstration par Cayley de la loi de Wronski, voir les mathematical papers de Cayley page 96 : "On Wronski's theorem" :

    http://www.archive.org/stream/collectedmathema09cayluoft#page/96/mode/2up

    et l'article de Emory Mc Clintock dans American journal of mathematics vol 4 no 1 (1881) pp 16-24 : "On certain expansion theorems" :

    http://www.jstor.org/stable/2369146?seq=4

    "Notes on the life and works of Wronski" par Pragacz :

    http://www.impan.pl/~pragacz/download/hwa.pdf

    Wronski's canon of logarithms :

    http://www.jstor.org/stable/2690379?seq=1

    Montessus : sur la résolution numérique des équations:

    http://archive.numdam.org/ARCHIVE/BSMF/BSMF_1905__33_/BSMF_1905__33__26_0/BSMF_1905__33__26_0.pdf

    Wronski's loi suprême vs Lagrange-Bürmann formula :

    http://www.impan.pl/~pragacz/download/maszczyk.pdf

    Le mathématicien Alain Lascoux, admirateur de Wronski, lui consacre plusieurs papiers sur sa page personnelle :

    http://www-igm.univ-mlv.fr/~al/

    voir aussi de lui :

    http://people.math.jussieu.fr/~kim/ALCoursSf2.pdf

    http://www-igm.univ-mlv.fr/~berstel/Mps/Travaux/A/1989-1FonctorialiteContempMath.pdf

    ses autres publications :

    http://www.combinatorics.net/lascoux/pubFrench.html

    Piotr Pragacz est un autre mathématicien moderne reprenant la pensée de Wronski :

    http://arxiv.org/PS_cache/alg-geom/pdf/9605/9605014v1.pdf


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  • Il existe plusieurs (une infinité peut être ?) voies d'accès à la galaxie Wronski depuis la ....brousse.

    Nous sommes résolus ici à explorer l'astre solitaire qui brille de mille feux depuis sa facette "mathématique" , ce qui on voudra bien le reconnaitre n'est pas très original.

    Nous tenons en effet, ainsi que l'a amplement montré Cherfils dans "Un essai de religion scientifique", que Wronski reprend de Descartes, dont il est le continuateur, le programme de Mathesis universalis (mathématique universelle) pour le porter à un achèvement en forme d'incandescence.

    Ce qui explique les sarcasmes, aisément compréhensibles, que déclenche toute allusion aux "thèses sur l'absolu" de Wronski parmi un public ayant une culture mathématique modérée : on admettra bien sûr les trouvailles géniales et annonciatrices (les déterminants, la notion de "wronskien", etc...) mais ce sera tout.

    Mais comme l'explique Sarrazin de Montferrier au début de son "Encyclopédie mathématique", Wronski a pour programme de "porter le savoir mathématique à l'absolu".

    Ya t'il réussi ? c'est une autre histoire !

    Mais de deux choses l'une : soit on prend (à notre exemple) la Mathesis universalis au sérieux, et alors Wronski apparait comme un candidat sérieux, et son oeuvre comme un champ d'exploration absolument inédit (au moins, celui qui s'y lance sera comme les premiers pionniers au Far West ... il n'aura guère de prédecesseurs).

    Soit on traite cela par le rire ("les lubies de Descartes et Leibniz") et on retourne à la brousse...c'est à dire dans le cas des matheux les tonnes d'articles qui se publient chaque semaine sur Arxiv! pas de problème, Wronski est dépassé, il n'est plus à niveau...il faut dire qu'en 150 ans les maths ont sensiblement évolué...mais ont elles été "portées à l'Absolu" (en admettant que cette notion ait un sens) ? non, évidemment !

    Si l'on se décide (et nous nous décidons!) d'une décision "résolue" (dixit Heidegger) à suivre cette route qui n'en est pas une, un ouvrage se présente immédiatement à l'esprit comme revêtant une importance cruciale : l'Introduction à la philosophie des mathématiques et à la technie de l'algorithmie de 1811.

    Par une chance insigne, il est lisible gratuitement sur le web, à deux adresses:

    -soit au patrimoine numérisé de l'université de Strasbourg : http://imgbase-scd-ulp.u-strasbg.fr/displayimage.php?album=529&pos=0

    -soit en texte intégralement disponible à la bibliothèque Google : http://books.google.fr/books?id=GeBJAAAAMAAJ&printsec=frontcover&lr=&hl=fr

    La première édition est plus soignée, mais la seconde plus facile à lire en continu.

    L'encyclopédie mathématique de Montferrier en quatre volumes, inspirée totalement par la pensée mathématique de Wronski, est accessible aussi, à la BNF Gallica:

    http://www.math.uni-bielefeld.de/~rehmann/DML/dml_links_title_E.html

    http://math-doc.ujf-grenoble.fr/LiNuM/TM/Gallica/S099465.html (vol 3)

    http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k99462n (vol1, et on trouve les autres facilement, en tapant le nom de l'auteur en "recherche" sur Gallica))


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  • L'édition de 1930 (chez Felix Alcan) des "Esquisses de philosophie critique" d'African SPIR est précédée d'une introduction magistrale de Léon Brunschvicg.

    On pourra lire la première édition du livre, parue en 1887 et préfacée par A Penjon, sur Gallica :

    http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k78015c

    La pensée de Spir est proche de celle de Brunschvicg en ce sens qu'elle représente véritablement l'idéal philosophique, la sagesse, par opposition aux grands systèmes qui prétendent fournir une explication globale du Tout. C'est à dire, en d'autres termes, l'opposition du dogmatisme et du criticisme.

    Brunschvicg emploie des termes très forts, qui prenaient tout leur sens dans leurs années 30 : les dogmatiques en philosophie, dont , selon Brunschvicg, Hegel est un cas d'école,  peuvent être nommés des surhommes, et le type opposé de philosophe est , non plus surhomme, mais sage.

    Le dogmatique, dont la tradition philosophique de l'Ecole (la scolastique) fournit de nombreux exemples, "a trouvé avant d'avoir cherché. Dans l'étendue de l'univers intelligible il trace un système d'opinions qui définit sa vérité. Il s'attribue, à titre de surhomme, un privilège d'infaillibilité auquel participent à leur tour les individus du groupe qui a consenti à s'enfermer dans ce système. Or à l'intérieur des sociétés qui ne s'endorment pas sur elles mêmes, qui ont suffisamment d'énergie pour vivre de la vie spirituelle, il arrive inévitablement que l'arbitraire des systèmes engendre leur multiplicité. Le spectacle de leur contradiction provoque un sursaut de réflexion méthodique, un progrès de raison critique, qui brise le préjugé du dogmatisme ... alors apparait le type opposé de philosophe, non plus surhomme, mais sage"

    ainsi ce n'est pas, comme le croit Kojève, Hegel qui est le premier Sage, mais l'on peut dire que son systématisme grandiose (que Brunschvicg reconnait d'ailleurs pour tel, avec une admiration non feinte) ouvre la voie, par réaction, à la sagesse.

    La multiplicité des systèmes fait aussi écho à la multiplicité des croyances et des religions aux "dieux à noms propres", y compris les trois religions prétendûment "monothéistes". Là aussi l'arbitrtaire aboutit au chaos.

    Le philosophe selon Brunschvicg et Spir, le sage, est celui qui au lieu de s'installer en Dieu et d'usurper la prérogative d'un (prétendu) savoir divin, se maintient au plan terrestre dans un sentiment d'ignorance qui est la condition même de l'homme. On reconnait là la sagesse de Socrate, qui ne sait qu'une seule chose, c'est qu'il ne sait rien.

    Mais contre le voeu même de Socrate, des "Socratiques" fondateurs d'écoles et de systèmes prennent le relais,  Comme Platon, Aristote, Aristippe, Antisthène, ces deux derniers moralistes préparant les "dogmatismes effrenés du stoïcisme et de l'épicurisme, dont les controverses sans issue achèveront de ruiner la civilisation antique, et permettront que règne sans partage  l'étouffoir chrétien, puis islamique... jusqu'à nos jours !

    Contre cet enfermement de la pensée dans le système métaphysique ou religieux, l'attitude de Spir et de Brusnchvicg se définit par un mot : "Pas de compromis !", soit l'héroïsme de la Raison auquel invite aussi Husserl en 1936 , debant la montée du nihilisme nazi, et de nos jours Badiou devant la montée du nihilisme de la "globalisation" financière qui enregistre un pas de plus avec l'irruption sarkozyste.

    Le vrai est ce qui se vérifie, se constate, non certes par une accumulation de faits, mais par une exigence d'exactitude qui est l'âme même de la philosophie, et qui se nomme aussi Raison.  L'absolu n'est pas dans une vérité ou un système clos de vérités, c'est là tout le sens de l'anti-logicisme de Brunschvicg (qui ne s'attaque en rien à la logique, discipline hautement mathématisée et admirable de rigueur). L'Absolu s'identifie avec la recherche de l'absolu. Car si je m'engage avec honnêteté dans la voie de la philosophie, c'est à dire dans la recherche de la vérité, alors je dois reconnaitre, comme préliminaire, qui je ne dispose d'aucune vérité, que "je ne sais rien". Et je dispose alors d'une première vérité, qui est que je ne sais rien. C'est aussi ce que dit Wronski quand il interprète le "cherchez et vous trouverez" de l'Evangile.

    Spir ne dit pas autre chose : "c'est seulement par le côté supérieur, logique, (rationnel) et moral, que nous sommes apparentés à l'absolu; l'homme est le produit le plus élevé de la nature et il n'a de valeur que par sa tendance à s'élever au dessus de la nature"

    L'esprit se manifeste par une norme qui est le principe de toute vérité : la norme de la Raison. Sa supériorité sur la nature se montre par sa capacité à surmonter l'illusion "réaliste" qui produit l'apparence d'un monde extérieur qui serait fait de choses. Il s'agit du même triomphe de l'esprit qui est à la racine de la victoire du système héliocentrique avec Galilée, et de la rupture avec Ptolémée.

    Amiel, lorsqu'en 1878 la médecine lui fit connaitre l'usure de son organisme, se donnait le même type de mot d'ordre:

    "Il n'y a rien d'absolu dans l'homme, hormis sa conscience de l'absolu". il faut avoir compris la déception inévitable de l'être, qui définit son moi par l'animalité de sa nature individuelle pour trouver sa liberté dans le seul attahement à ce qu'il y a en nous d'universel et d'étenrel, ou plutôt d'atemporel. C'est ce que Wronski caractérise par la prépondérance (pour nous) de l'élément Savoir sur l'élément être.

    Cet héroïsme de la pensée se paye très cher, non plus de nos jours par la mise à mort, ou la persécution, comme c'était le cas du temps de Platon et encore du temps de Fichte, ce qui explique selon Brunschvicg la tentation de ces deux philosophes de revenir à une "seconde philosophie", moins radicale que la doctrine idéaliste initiale, mais par la mise sous silence.

    Spir n'a pas échappé à cette dure expérience, qui déclare avant la fin : "j'espère que ma mort brisera l'étrange sort qui semblait jeté sur tout ce qui émanait de moi". Et Brunschvicg, tombé dans l'oubli, n'y échappe pas non plus de nos jours...nos sombres jours où les medias incultes et la TV "reality show) font et défont les "célébrités éphémères".


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  •  
    Il est impossible de surestimer la valeur philosophique, c'est à dire pour nous tout aussi bien "religieuse", du diagramme ci dessus, imaginé par Roger Penrose; il est expliqué tout au long de ce cours accessible à l'adresse :
     
     
    et il fait aussi l'objet du premier chapitre ("The roots of science") de l'ouvrage récent de Penrose  : "The road to reality", notamment du paragraphe 1.4 : "Three worlds and three deep mysteries".
    Les trois "mondes" correspondent aux trois formes d'existence distinguées par Penrose: physique, mentale et "platonique mathématique" ; le monde platonique des Idées est conçu par Penrose comme entièrement mathématique (quoiqu'il laisse ouverte une possibilité pour des Idées d'autre nature), mais il n'a pas à être imaginé comme un "monde intelligible" transcendant. En fait Penrose veut simplement caractériser les entités mathématiques comme absolument objectives, non "nées de l'invention de certains cerveaux humains", en dehors du temps et de l'espace.
    Cettte hiérarchie en trois niveaux rappelle celle de Popper, ainsi que celle où a tant achoppé le christianisme du Moyen Age : corps, âme, et esprit.
     
     
    On doit tout d'abord remarquer qu'avec cette vision "tripartite" Penrose s'oppose frontalement à la conception la plus habituelle chez les philosophes analytiques contemporains ainsi que chez la plupart des scientifiques, conception que Badiou a caractérisée, à un autre niveau, comme "matérialisme démocratique", dont la thèse centrale et fondatrice serait selon lui :
    "Il n'y a que des corps et des langages"
     
    ce qui n'est pas loin d'être équivalent à : "il n'y a que du physique et du mental". L'étage du "platonisme mathématique" est absent.
    Badiou quant à lui choisit la voie d'une défense du platonisme contre le relativisme et le nihilisme post-moderne et "wittgensteinien", qu'il caractérise comme "les nouveaux sophistes". Il donne comme formule de sa doctrine qu'il appelle "dialectique matérialiste":
    "Il n'y a que des corps et des langages sinon qu'il y a des vérités"
    Les vérités, qui sont conçues par Badiou comme "éternelles" (comme chez Descartes) correspondent au platonisme mathématique de Penrose.
    Nous sommes au point de faire un choix, et nous choisissons la voie platonicienne, mais en  privilégiant Penrose et Brunschvicg par rapport à la philosophie de Badiou.
     
    Les "trois profonds mystères" concernent les "flèches" du diagramme, qui possède ainsi l'apparence d'un graphe, voire d'une catégorie, que nous pourrions et devrions mettre en correspondance avec un autre graphe célèbre : celui de la Sainte trinité, Père, Fils, Esprit.
    La flèche orientée du monde platonicien mathématique vers le monde physique représente l'idée de Penrose selon laquelle tous les phénomènes sont mathématisables : rien de ce qui est réel ne peut se situer en dehors de la juridiction de la science, et il n'y a de science que mathématique.
    La flèche orientée du monde physique vers le monde mental est en rapport avec le problème "corps-esprit" et les théories de l'esprit, qui essayent d'expliquer l'émergence du mental à partir de la réalité physique. Certains appellent ceci "matérialisme" mais c'est ambigu, "physicalisme" vaudrait mieux.
    Enfin la flèche orientée du monde mental vers le monde platonicien mathématique traduit le fait que selon Penrose aucune notion mathématique (aucune Idée platonicienne) n'est au delà du pouvoir de compréhension de la Raison humaine (et non humaine d'ailleurs, il n'y a qu'UNE Raison).
    Penrose laisse cependant ouverte la possibilité d'un diagramme différent où les flèches ne traduiraient pas une inclusion totale : il pourrait y avoir dans ce nouveau diagramme des Idées absolument au delà de l'intelligibilité humaine-rationnelle, des phénomènes physiques au delà de l'intelligibilité mathématique, et des "entités mentales" sans support physique (les "anges" de la scolastique par exemple).
    Mais Penrose avoue clairement sa préférence pour le premier diagramme et nous le suivons sur ce point.
    Le diagramme possède alors l'apparence du serpent "ouroboros", qui se mord la queue , d'un circuit qui tourne indéfiniment, la Roue cosmique en quelque sorte : flèche 1 ---> flèche 2 ----> flèche 3 -----> flèche 1     etc...
    Selon Penrose cela recouvre, pointe vers, un mystère plus profond que les trois mystères qu'il a décrits, touchant au fait que les trois "mondes" ne sont pas séparés, ne font qu'UN, une Vérité suprême et unitive dont nous ne possédons qu'un faible pressentiment à l'heure actuelle.
    Mais cette Vérité n'est absolument pas transcendante à l'Esprit humain, sinon nous serions dans la mystique, et Penrose est un scientifique-mathématicien-philosophe, un homme de la Mathesis universalis.
     
    Les trois "sommets" du diagramme de Penrose sont aussi en correspondance avec deux triades célèbres : celle de la Trinité chrétienne , comme sus-mentionné, et aussi la triade platonicienne du Beau, du Bien et du Vrai, qui sont trois "aspects" du monde platonicien.
    Le Beau correspond au monde physique, il se relie à la beauté des théories physiques qui rendent intelligible le monde physique, c'est là l'explication de la beauté de ces théories, et que de nombreux savants privilégient les "belles mathématiques" (celles notamment qui possèdent de nombreuses symétries).
    Le Bien possède une connection profonde avec le monde mental : seul des êtres mentaux peuvent établir des critères moraux.
    Le Vrai est évidemment l'idéal propre de la mathématique.
    aussi possède t'il (si l'on admet les idées de Penrose, traduites dans son diagramme, selon lesquelles le monde platonicien est intégralement mathématique) la primauté sur le Beau et le Bien.
    Par contre il est moins évident de mettre la trinité chrétienne en accord avec le diagramme de Penrose, qui symbolise selon nous "DIEU", le dieu des philosophes et des Savants, qui n'a rrien à voir avec les dieux des superstitions religieuses, et aussi la MATHESIS UNIVERSALIS. Ernest Renan concevait lui aussi "Dieu" comme la Science totalement réalisée (soit la Vérité suprême de l'Un dont parle Penrose).
    La trinité chrétienne n'est pas purement philosophique, elle est entachée d'éléments mystico-religieux...
     
    pour terminer, deux analyses très divergentes de "Road to reality" :
     
     
     


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