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    Il est impossible de surestimer la valeur philosophique, c'est à dire pour nous tout aussi bien "religieuse", du diagramme ci dessus, imaginé par Roger Penrose; il est expliqué tout au long de ce cours accessible à l'adresse :
     
     
    et il fait aussi l'objet du premier chapitre ("The roots of science") de l'ouvrage récent de Penrose  : "The road to reality", notamment du paragraphe 1.4 : "Three worlds and three deep mysteries".
    Les trois "mondes" correspondent aux trois formes d'existence distinguées par Penrose: physique, mentale et "platonique mathématique" ; le monde platonique des Idées est conçu par Penrose comme entièrement mathématique (quoiqu'il laisse ouverte une possibilité pour des Idées d'autre nature), mais il n'a pas à être imaginé comme un "monde intelligible" transcendant. En fait Penrose veut simplement caractériser les entités mathématiques comme absolument objectives, non "nées de l'invention de certains cerveaux humains", en dehors du temps et de l'espace.
    Cettte hiérarchie en trois niveaux rappelle celle de Popper, ainsi que celle où a tant achoppé le christianisme du Moyen Age : corps, âme, et esprit.
     
     
    On doit tout d'abord remarquer qu'avec cette vision "tripartite" Penrose s'oppose frontalement à la conception la plus habituelle chez les philosophes analytiques contemporains ainsi que chez la plupart des scientifiques, conception que Badiou a caractérisée, à un autre niveau, comme "matérialisme démocratique", dont la thèse centrale et fondatrice serait selon lui :
    "Il n'y a que des corps et des langages"
     
    ce qui n'est pas loin d'être équivalent à : "il n'y a que du physique et du mental". L'étage du "platonisme mathématique" est absent.
    Badiou quant à lui choisit la voie d'une défense du platonisme contre le relativisme et le nihilisme post-moderne et "wittgensteinien", qu'il caractérise comme "les nouveaux sophistes". Il donne comme formule de sa doctrine qu'il appelle "dialectique matérialiste":
    "Il n'y a que des corps et des langages sinon qu'il y a des vérités"
    Les vérités, qui sont conçues par Badiou comme "éternelles" (comme chez Descartes) correspondent au platonisme mathématique de Penrose.
    Nous sommes au point de faire un choix, et nous choisissons la voie platonicienne, mais en  privilégiant Penrose et Brunschvicg par rapport à la philosophie de Badiou.
     
    Les "trois profonds mystères" concernent les "flèches" du diagramme, qui possède ainsi l'apparence d'un graphe, voire d'une catégorie, que nous pourrions et devrions mettre en correspondance avec un autre graphe célèbre : celui de la Sainte trinité, Père, Fils, Esprit.
    La flèche orientée du monde platonicien mathématique vers le monde physique représente l'idée de Penrose selon laquelle tous les phénomènes sont mathématisables : rien de ce qui est réel ne peut se situer en dehors de la juridiction de la science, et il n'y a de science que mathématique.
    La flèche orientée du monde physique vers le monde mental est en rapport avec le problème "corps-esprit" et les théories de l'esprit, qui essayent d'expliquer l'émergence du mental à partir de la réalité physique. Certains appellent ceci "matérialisme" mais c'est ambigu, "physicalisme" vaudrait mieux.
    Enfin la flèche orientée du monde mental vers le monde platonicien mathématique traduit le fait que selon Penrose aucune notion mathématique (aucune Idée platonicienne) n'est au delà du pouvoir de compréhension de la Raison humaine (et non humaine d'ailleurs, il n'y a qu'UNE Raison).
    Penrose laisse cependant ouverte la possibilité d'un diagramme différent où les flèches ne traduiraient pas une inclusion totale : il pourrait y avoir dans ce nouveau diagramme des Idées absolument au delà de l'intelligibilité humaine-rationnelle, des phénomènes physiques au delà de l'intelligibilité mathématique, et des "entités mentales" sans support physique (les "anges" de la scolastique par exemple).
    Mais Penrose avoue clairement sa préférence pour le premier diagramme et nous le suivons sur ce point.
    Le diagramme possède alors l'apparence du serpent "ouroboros", qui se mord la queue , d'un circuit qui tourne indéfiniment, la Roue cosmique en quelque sorte : flèche 1 ---> flèche 2 ----> flèche 3 -----> flèche 1     etc...
    Selon Penrose cela recouvre, pointe vers, un mystère plus profond que les trois mystères qu'il a décrits, touchant au fait que les trois "mondes" ne sont pas séparés, ne font qu'UN, une Vérité suprême et unitive dont nous ne possédons qu'un faible pressentiment à l'heure actuelle.
    Mais cette Vérité n'est absolument pas transcendante à l'Esprit humain, sinon nous serions dans la mystique, et Penrose est un scientifique-mathématicien-philosophe, un homme de la Mathesis universalis.
     
    Les trois "sommets" du diagramme de Penrose sont aussi en correspondance avec deux triades célèbres : celle de la Trinité chrétienne , comme sus-mentionné, et aussi la triade platonicienne du Beau, du Bien et du Vrai, qui sont trois "aspects" du monde platonicien.
    Le Beau correspond au monde physique, il se relie à la beauté des théories physiques qui rendent intelligible le monde physique, c'est là l'explication de la beauté de ces théories, et que de nombreux savants privilégient les "belles mathématiques" (celles notamment qui possèdent de nombreuses symétries).
    Le Bien possède une connection profonde avec le monde mental : seul des êtres mentaux peuvent établir des critères moraux.
    Le Vrai est évidemment l'idéal propre de la mathématique.
    aussi possède t'il (si l'on admet les idées de Penrose, traduites dans son diagramme, selon lesquelles le monde platonicien est intégralement mathématique) la primauté sur le Beau et le Bien.
    Par contre il est moins évident de mettre la trinité chrétienne en accord avec le diagramme de Penrose, qui symbolise selon nous "DIEU", le dieu des philosophes et des Savants, qui n'a rrien à voir avec les dieux des superstitions religieuses, et aussi la MATHESIS UNIVERSALIS. Ernest Renan concevait lui aussi "Dieu" comme la Science totalement réalisée (soit la Vérité suprême de l'Un dont parle Penrose).
    La trinité chrétienne n'est pas purement philosophique, elle est entachée d'éléments mystico-religieux...
     
    pour terminer, deux analyses très divergentes de "Road to reality" :
     
     
     


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